La tombe du poète
Allées au gravier blanc et bruyant sous mes pas feutrés,
Le bruit glisse sur les petits cailloux comme un serpent sur l'herbe mouillée,
Et l'angélus aux cloches d'argent couvre tintonant l'air frais
De ce jour qui se lève quand je marche encore à demi éveillé.
La bise me picote les joues les colorant comme deux fraises,
Et ma canne bouscule les gravillons de va-et-vient nonchalants,
Creusant des trous de grillons jusqu'à toucher la glaise
D'un son métallique faisant fuir les bruants.
Ta demeure est là mon pauvre poète, sans fleurs ni couronnes,
Une pierre nue comme l'enfant né, polie par le vent et la pluie,
A l'éclat mat et triste comme ces jours sombres d'automne
Où tu me faisais rêver de tes phrases quand je me sentais dans l'oubli.
Les gens traversent l'allée indifférents, sans se soucier qu'un prince en exil
Compose à deux pieds sous cette terre humide des phrases d'amour,
Pour moi sa seule amie qui l'a toujours aimé dans cette ville,
Où déjà étant petits tous les deux, on nous voyait ensemble tous les jours.
Point de fleurs ni couronnes c'était ton souhait, juste un marbre blanc,
Et comme seul ornement les initiales de nos prénoms
Se mariant toutes les deux d'un lacet presque transparent,
Pour garder notre secret aux yeux de ce monde et de leurs incompréhension.
Juan